Méditation, où en sommes-nous ? (Christophe André dans Cerveau et Psycho)

A l’occasion du numéro 100, Cerveau et Psycho publie un article sur la méditation (Christophe André) et un autre sur l’attention (Jean-Philippe Lachaux).

« Depuis le premier numéro de Cerveau & Psycho en 2003, les neurosciences ont envahi notre société. On parle aujourd’hui de neuroéducation, de neuroéconomie, de neurodroit ; la méditation a intégré le giron des neurosciences… Nous sommes heureux d’avoir accompagné cette révolution. C’est important, parce que le monde change très vite et qu’il est essentiel de savoir comment notre cerveau peut s’y adapter. Et pour vous guider dans ce panorama des avancées en neurosciences et en psychologie, des invités exceptionnels, Christophe André et Laurent Cohen se sont improvisés rédacteurs en chef de ce numéro. »

Feuilleter le numéro 100 :

Méditation, où en sommes-nous? par Christophe André

Extrait :

Je me souviens bien de cette année 2004, celle où j’ai proposé pour la première fois d’utiliser la méditation à l’hôpital Sainte-Anne, dans notre service universitaire, Mecque de la psychopharmacologie française, où fut testé le premier neuroleptique en 1952. Je me souviens de la prudence de mes collègues, de la méfiance des uns, de la condescendance des autres, mais de la confiance de mes chefs de service. Certains patients, dépressifs et anxieux, étaient eux aussi un peu inquiets face à nos propositions d’ajouter la méditation à leur prise en charge. Mais je me souviens aussi que devant les bons résultats obtenus, les réticences se sont vite estompées. Et beaucoup de chemin a été parcouru depuis…

Aujourd’hui, en 2018, tout a changé : nous avons présenté à deux reprises, à l’Assemblée nationale, ce qu’est exactement la méditation à des députés et sénateurs soucieux de comprendre ce qui se passait dans les hôpitaux et les écoles de leur circonscription ; des diplômes universitaires de méditation se sont créés dans presque toutes les facultés de médecine ; des groupes de méditation sont proposés dans la plupart des grands hôpitaux universitaires. Mais aussi dans les écoles, les entreprises, les prisons…

Comment expliquer cette bascule en quinze ans, en France et dans le monde entier ? Que se passe-t-il autour de l’engouement pour la méditation ? Est-ce une simple mode ou un mouvement de fond qui va changer durablement nos modes de vie ?

Pourquoi un tel succès ?

Rappelons d’abord les trois grandes étapes, très simplifiées, de l’histoire de la méditation : la première est celle de son apparition avec les premiers enseignements du bouddhisme, il y a environ 2 500 ans en Orient, et voilà presque 2 000 ans en Occident, avec les pères du désert chrétiens ; puis, l’étape de la sortie des monastères et du monde de la religion, dans les années 1960, avec la mode de la méditation transcendantale, dont les Beatles, par exemple, étaient friands – quoique dans un folklore new age bien peu scientifique ; enfin, l’arrivée des premiers travaux de recherche à partir des années 1980, grâce à l’intuition de Jon Kabat-Zinn, chercheur en biologie moléculaire passionné de méditation et de yoga, qui en proposa une version laïque et facile d’accès, alors qu’avant lui, méditer signifiait s’engager dans une démarche spirituelle ou religieuse, et sur un cheminement long de nombreuses années.

À partir de là, il devient possible de proposer et d’évaluer la méditation dans le monde des soins (comme outil de gestion du stress en médecine) ou dans celui de l’enseignement (comme outil de développement de l’attention et de la stabilité émotionnelle à l’école).

Laïcité, facilité d’accès et validation scientifique représentent le trépied moderne du succès actuel de la méditation. Auquel s’ajoutent encore quelques autres raisons : il est possible que la méditation représente un antidote à certaines dimensions nocives de nos modes de vie contemporains : accélération, matérialisme, virtualisation, digitalisation… auxquels elle propose les réponses suivantes : ralentissement, dépouillement, incarnation et retour au réel, corps et sensations… La méditation s’inscrit également dans une profonde évolution de nos attitudes face à la santé : l’ensemble des citoyens occidentaux, et non plus seulement des franges privilégiées, aspire désormais à des styles de vie plus sains, à une moindre consommation de médicaments, une alimentation plus équilibrée et raisonnée, un usage plus modéré des écrans, etc.

Une multiplicité « d’offres »

On parle souvent de « la » méditation, mais bien évidemment, il en existe de très nombreuses formes : méditations du bouddhisme (comme le zen, le vipassana, le très riche corpus des méditations de la tradition tibétaine), du christianisme (comme les oraisons silencieuses des pères du désert, ces moines et ermites chrétiens des premiers siècles), de l’islam (comme la mouraqaba du soufisme) ou du judaïsme (dans le courant hassidique notamment). La méditation, même laïque, est donc proche de toutes ces traditions contemplatives [note FD : voir aussi, mon article « Comment y voir plus clair dans les différents types de méditation ? »] la contemplation étant « l’attitude de la conscience quand elle se contente de considérer ce qui est sans vouloir le posséder, l’utiliser ou le juger », selon les mots du philosophe André Comte-Sponville.

Mais aujourd’hui, quand on parle de méditation sans plus de précisions, c’est de pleine conscience (mindfulness en anglais) qu’il s’agit, cette technique laïque inspirée du vipassana bouddhiste. [note FD : voir à ce sujet mon article « La mindfulness (pleine conscience) n’est pas forcément laïque : sur les origines et usages du terme« ] Ses caractéristiques sont simples : il s’agit de se tourner délibérément vers l’expérience de l’instant présent, de s’arrêter d’agir pour ressentir son souffle et son corps, écouter les sons, observer le flot de ses pensées avec recul, sans les alimenter ou les relancer. Ce mode de fonctionnement de notre esprit, dit de pleine conscience – marqué par l’a…

Lire la suite en achetant Cerveau et Psycho

%d blogueurs aiment cette page :