Qu’est-ce que le mental ? (1ère partie)

« Le mental » est une activité plutôt qu’une chose. Le titre est donc un raccourci pour décrire un processus d’activité mentale.

Lors du calme méditatif, cette activité peut être perçue comme des « mouvements » de l’attention capturée par des stimuli mentaux. Par exemple, dans l’attention focalisée sur la respiration, l’attention part dans des pensées. C’est une première façon, grossière, de voir cette activité mentale. Mais nous pouvons voir et comprendre directement le fonctionnement de cette partie de nous-mêmes en particulier dans la méditation que la recherche scientifique appelle de plus en plus « observation ouverte » (open monitoring).

Distinguer les cinq sens et le mental

Plus le discernement murit dans cette méditation d’observation ouverte, plus nous pouvons distinguer différents canaux d’information dans toute expérience présente qui produisent différents contenus : des contenus sensoriels (les cinq sens) et des contenus mentaux.

C’est d’ailleurs une première définition du mental, née de l’expérience : le mental n’est pas les cinq sens.

Les cinq sens sont :

  1. entendre,
  2. voir,
  3. goûter,
  4. sentir des odeurs,
  5. et tout ce qui est constitué par des sensations corporelles :
    • le toucher (le tactile à la surface de la peau ou « sensibilité extéroceptive » venant de la peau) et
    • sentir des sensations plus « intérieures » (sensibilité intéroceptive et proprioception),

Autrement dit, le mental n’est pas sensoriel. Cela ne paraît pas aussi physique que les autres sens.

Le mental parmi six entrants dans la conscience

Dans une autre perspective, toutefois, c’est encore un sens car il est un autre canal d’informations. C’est un des inputs/entrants à traiter par notre système cognitif.

Si l’on se représente la conscience comme un pièce consciente, l’une des portes sensorielles (par laquelle des stimuli rentrent) est bien mentale. C’est dans cette acception que certains écrits de psychologie bouddhiste énumèrent, la plupart du temps, six sens au lieu de cinq en incluant le « sens » mental ou la « faculté » mentale ou la « conscience mentale ». La méditation bouddhiste de la vigilance* consiste alors à « garder les portes » des six sens, c’est-à-dire de voir ce qui rentre et sort en demeurant au centre, immobile.

Le contenu mental fait partie des contenus de la conscience qui apparaît et disparaît, au même titre que les cinq autres sens.

Expérience : l’observation des six sens comme méditation ouverte

Le fait de traiter le mental comme un autre entrant aboutit à une méditation d’observation des contenus de la conscience. L’esprit bascule dans l’observation non-conceptuelle des contenus bruts de notre cognition.

Un constat apparaît alors de plus en plus évident : les contenus sont impermanents.

Ce qui est

  • vu,
  • entendu,
  • senti,
  • goûter,
  • ressenti,
  • pensé ou imaginé,

apparait et disparait.

*

Essayons maintenant, pendant 1 minute, les yeux fermés.

Observons ce qui se passe.

Toutes ces choses ne sont-elles pas changeantes, impermanentes ?

*

Le développement de la sagesse

Cela aide l’observation de ne pas s’approprier ces contenus ou de s’identifier à eux. Si les perceptions « ces sensations sont à moi » ou « ces sensations sont moi » dominent, l’attention est biaisée et perd son objectivité. Cette perte de recul se traduit généralement par plus de réactivité émotionnelle et une absence de compréhension de ce qui se passe. Alors qu’ici, l’observation devient plus impersonnelle, objective, tout en étant pleinement au contact de ce qui se passe. Cela produit plus de sensibilité, de détection, mais sans l’aspect réactif de la sensibilité.

Plus cette observation est pratiquée, moins l’esprit est collé ou attaché à ces contenus. Le « non-attachement » apparaît alors. Les contenus vont et viennent sans être retenus. Ils sont libres de venir et de partir.

C’est libéré, sur le moment.

Le non-attachement au mental est important car il modifie notre rapport aux pensées. Au lieu de réagir et de vouloir les supprimer ou les arrêter, nous nous sentons libres même si elles continuent d’apparaître. Cela nous permet de fonctionner sur différents plans de l’expérience plutôt que d’être enfermé dans la couche conceptuelle de notre expérience. Une autre capacité de métacognition proprement méditative apparaît : il ne s’agit pas de la pensée sur la pensée, mais de développer l’attention non-conceptuelle sur la pensée.

Cela modifie jusqu’à notre identité. Au lieu de s’identifier à la pensée, nous nous identifions davantage à l’observation non conceptuelle.

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(NB *Dans les écrits anciens de psychologie bouddhiste, toute une division du canon pali (Salayatana vagga du Samyutta nikaya) avec 248 suttas est dédiée à cette méditation des six sens, qui est une forme relativement avancée de méditation vipassana.)

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