Améliorer la thérapie par exposition via l’apprentissage par inhibition

L’exposition est la technique la plus utilisée dans les TCC (thérapies comportementales et cognitives) pour le traitement des troubles anxieux comme le trouble panique, la phobie spécifique, la phobie sociale, le trouble obsessionnel-compulsif, le syndrome de stress post-traumatique.

L’approche de l’apprentissage par inhibition (inhibitory learning approach) développée par Michelle CRASKE (département de Psychologie de l’université de Californie à Los Angeles) renouvelle profondément la façon de procéder à cette exposition afin de rendre ses effets plus généralisables.

L’apprentissage inhibiteur est un apprentissage qui inhibe l’apprentissage antérieur. Le nouvel apprentissage acquis lors de l’exposition rivalise et inhibe l’apprentissage précédent qui entretenait l’anxiété.

J’avais été impressionné par sa conférence et son atelier détaillant ses procédures au Congrès annuel de TCC de 2015 à Paris (AFTCC). J’ai depuis inclus ses apports dans ma pratique thérapeutique.

L’article de 2014 « Maximizing exposure therapy: An inhibitory learning approach » est traduit en français ci-dessous.

Résumé

« La thérapie par exposition est une approche efficace dans le traitement des troubles anxieux, bien qu’un nombre substantiel d’individus n’en obtiennent pas de bénéfices ou font l’expérience d’un retour de la peur après le traitement. La recherche suggère que les individus anxieux présentent des déficits dans les mécanismes qui seraient impliqués dans la thérapie par exposition tels que l’apprentissage par inhibition. Cibler ces processus pourrait contribuer à améliorer l’efficacité des procédures basées sur l’exposition. Bien que des preuves empiriques soutiennent un modèle de l’extinction basé sur l’apprentissage par inhibition, la manière d’implémenter ce modèle dans la pratique clinique a été peu élaborée.

L’objectif principal de cet article est de fournir aux cliniciens des exemples de la façon d’appliquer ce modèle afin d’optimiser la thérapie par exposition avec des clients anxieux, de manière distincte d’une approche « d’habituation de la peur » ou d’ « infirmation des croyances » dans une thérapie comportementale et cognitive classique.

Les stratégies d’optimisation de l’exposition incluent:

1) la violation des attentes,

2) l’extinction en profondeur,

3) l’extinction occasionnellement renforcée,

4) la suppression des signaux de sécurité,

5) la variabilité,

6) les indices de récupération,

7) les contextes multiples, et

8) l’étiquetage de l’affect.

Des études de cas illustrent les méthodes d’application de ces techniques dans une variété de troubles anxieux incluant le trouble obsessionnel-compulsif, le syndrome de stress post-traumatique, la phobie sociale, la phobie spécifique et le trouble panique. »

Article entier

traduit en français sous le titre : Maximiser la thérapie par exposition : une approche basée sur l’apprentissage par inhibition

par Pierre Philippot1, Vincent Dethier1 , Bram Vervliet 2, Michael Treanor 3, Chris Conway3, Tomislav Zbozinek3 et Michelle G. Craske3
1 Institut des Sciences Psychologiques, Université catholique de Louvain, Belgique.
2 Center for Excellence on Generalization in Health and Psychopathology, KU Leuven-
University of Leuven, Leuven, Belgique.
3 Center University of California, Los Angeles, USA.

à télécharger ici : https://ppw.kuleuven.be/apps/clep/publications/pdfs/nat_pub_460.pdf

extrait :

« La thérapie par exposition, ou l’approche répétée de stimuli provoquant la peur, a été le pilier des thérapies cognitives et comportementales dès leur début. L’exposition peut prendre des formes diverses, comprenant

  • des versions progressives ou intenses (ou thérapie par immersion),
  • brèves versus prolongées,
  • avec ou sans stratégies cognitives ou corporelles de coping (voir la recension de Meuret, Wolitzky-Taylor, Twohig, & Craske, 2012),
  • ou encore en imagination, intéroceptives, ou in vivo (dans la vie réelle).

Il a été prouvé que la thérapie par exposition est une stratégie de traitement efficace pour la peur et les troubles anxieux (Hofman & Smits, 2008 ; Norton & Price, 2007 : voir références plus bas). Notre compréhension des mécanismes responsables des effets de l’exposition a évolué au fil des années (voir Craske, Kircanski, et al., 2008 ; Craske, Liao, Brown, & Vervliet, 2012).

Le but de cet article est d’examiner le modèle de l’extinction basé sur l’apprentissage par inhibition en tant que mécanisme de la thérapie par exposition pour la peur et l’anxiété, et de détailler les applications cliniques du modèle. Cette transposition sera présentée sous forme d’une liste de stratégies comportementales spécifiques suivies de leur description dans le contexte d’études de cas de trouble panique, d’agoraphobie, de phobie sociale, de syndrome de stress post-traumatique, de trouble obsessionnel-compulsif et de phobie spécifique.

D’autres approches de la thérapie par exposition comprennent les modèles basés sur l’habituation qui mettent l’accent sur la réduction de la peur par l’exposition, et le modèle des tests comportementaux visant à infirmer explicitement les croyances et postulats liés à la menace (e.g., Foa & Kozak, 1986;
Foa & McNally, 1996; Salkovskis, Hackmann, Wells, Gelder, & Clark, 2006). Le modèle d’apprentissage par inhibition a été comparé au modèle de l’habituation et des tests comportementaux dans des articles antérieurs (i.e., Craske, Kircanski, et al., 2008; Craske, Waters, et al., 2008; Craske et al., 2012). Dans la discussion qui suit, nous présenterons des applications spécifiques pour lesquelles le modèle d’apprentissage par inhibition diverge de ces autres modèles. »

Conférence de Michelle Craske (en anglais)

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Références

Pour aller plus loin, quelques articles dans Behaviour Research and Therapy :

Optimizing inhibitory learning during exposure therapy
Volume 46, Issue 1,
January 2008,
Pages 5-27
Michelle G. Craske,
Katharina Kircanski,
Moriel Zelikowsky,
Jayson Mystkowski,
Aaron Baker

Maximizing exposure therapy: An inhibitory learning approach
Volume 58,
July 2014,
Pages 10-23
Michelle G. Craske,
Michael Treanor,
Christopher C. Conway,
Tomislav Zbozinek,
Bram Vervliet

Maximizing the efficacy of interoceptive exposure by optimizing inhibitory learning: A randomized controlled trial
Volume 51, Issue 9,
September 2013,
Pages 588-596
Brett Deacon,
Joshua J. Kemp,
Laura J. Dixon,
Jennifer T. Sy,
Annie R. Zhang

The credibility of exposure therapy: Does the theoretical rationale matter?
Volume 72,
September 2015,
Pages 81-92
Joanna J. Arch,
Michael P. Twohig,
Brett J. Deacon,
Lauren N. Landy,
Ellen J. Bluett

The validity of laboratory-based treatment research: Bridging the gap between fear extinction and exposure treatment
Volume 86,
November 2016,
Pages 87-94
Sara Scheveneels,
Yannick Boddez,
Bram Vervliet,
Dirk Hermans

Craske, M. G., Liao, B., Brown, L., & Verliet, B. (2012). Role of inhibition in exposure therapy. Journal of Experimental Psychopathology, 3, 322e345. http://dx.doi.org/10.5127/jep.026511.

Sur l’efficacité de la thérapie par exposition :

Hofmann, S. G., & Smits, J. A. (2008). Cognitive-behavioral therapy for adult anxiety disorders: a meta-analysis of randomized placebo-controlled trials. Journal of
Clinical Psychiatry, 69, 621e632. http://dx.doi.org/10.4088/JCP.v69n0415

Norton, P. J., & Price, E. C. (2007). A meta-analytic review of adult cognitive behavioral treatment outcome across the anxiety disorders. Journal of Nervous
and Mental Disease. www.ebbp.org/resources/nortonprice.pdf

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