La méditation aide à mieux vieillir
SANTÉ // Une étude française met en lumière le fait que la méditation préserve notre cerveau des impacts du vieillissement et du déclin cognitif. Mais ce n’est pas son seul effet bénéfique sur notre corps…
La méditation aide à mieux vieillir – Yann Verdo, Les Echos, Lundi 18 décembre 2017
Il y a plusieurs années déjà que la méditation, prenant le même chemin que le yoga, a quitté son berceau indien et s’est dépouillée de ses oripeaux religieux pour entrer dans la vie d’une fraction toujours plus large d’Occidentaux sous le nom de « méditation de pleine conscience ». Et les études scientifiques consacrées aux impacts de cette pratique sur la santé mentale et physique, de plus en plus nombreuses, tendent toutes à accréditer la thèse de son pouvoir bénéfique, bien au-delà même de ce qu’on aurait pu penser initialement.
Celle conduite par la chercheuse de l’Inserm Gaël Chételat, récemment parue dans « Scientific Reports » et plus spécifiquement axée sur les effets de la méditation sur le vieillissement et son triste corollaire qu’est le déclin cognitif, vient de verser une nouvelle et importante pièce au dossier.
Contre la dépression
D’après les expériences menées depuis une quinzaine d’années sous la houlette de Christophe André à l’hôpital Sainte-Anne, où des patients dépressifs viennent effectuer des stages de méditation de huit semaines et se soumettre avant et après à des batteries d’examens, il est acquis que la méditation a une vertu antidépressive certaine. Initier à la méditation une personne psychologiquement fragile quant à la dépression limite considérablement le risque de rechute, autant que si elle était maintenue sous antidépresseurs ; il a même été établi que méditer vingt minutes par jour permettrait à des personnes ayant déjà connu deux épisodes dépressifs majeurs de diviser par deux le risque d’en refaire un troisième.
Effet protecteur contre le déclin cognitif
Selon des chercheurs, la méditation, pratiquée régulièrement, permet de préserver des zones cérébrales spécifiquement visées par le déclin cognitif, réduisant les risques de développer une maladie d’Alzheimer.
Le déclin cognitif, qui peut dégénérer en démence, dont la forme principale reste la maladie d’Alzheimer, est accéléré par la dépression et les problèmes de sommeil, eux-mêmes favorisés par les émotions négatives et le stress. Méditer régulièrement aiderait-il les personnes âgées à mieux se prémunir contre ce cycle infernal ? Pour le savoir, les chercheurs de la plate-forme d’imagerie biomédicale Cyceron de Caen ont recruté six méditants experts, âgés de 65 ans en moyenne et affichant entre 15.000 et 30.000 heures de pratique au compteur (le célèbre moine bouddhiste Matthieu Ricard était l’un d’entre eux). Et ils ont comparé, par imagerie, le cerveau de ces seniors passés maîtres dans l’art de méditer avec ceux de personnes du même âge n’ayant jamais médité.
Matthieu Ricard
Deux techniques d’imagerie ont été utilisées. L’IRM anatomique pour analyser la structure du cerveau en ses différentes aires, et la tomographie par émission de positons (TEP) pour observer son fonctionnement en temps réel, en mesurant la quantité de glucose (d’énergie) brûlée par les neurones. Les résultats sont éloquents. Il apparaît en effet que les « experts » ont conservé de plus grands volumes de matière grise (sur le plan structurel) (Voir également Un cerveau plus jeune grâce à la méditation) et présentent un métabolisme du glucose plus élevé (sur le plan fonctionnel) dans des régions cérébrales qui sont justement celles qui déclinent le plus avec l’âge, et qui sont impliquées dans l’attention, la conscience des sensations et des signaux internes du corps, mais aussi le contrôle et la régulation des émotions.
« Ces résultats montrent que la méditation permet chez ceux qui la pratiquent régulièrement de préserver des zones cérébrales spécifiquement visées par le déclin cognitif, ce qui suggère qu’elle réduit les risques de développer une maladie d’Alzheimer ou en recule l’âge d’apparition des premiers symptômes », commente la chercheuse caennaise.
Une seconde étude, plus ambitieuse puisqu’elle consiste à recruter 150 seniors et à les soumettre pendant dix-huit mois à un entraînement intensif soit à la pratique de l’anglais, soit à celle de la méditation, afin de comparer les effets de ces deux activités sur le cerveau, viendra prochainement approfondir les résultats obtenus par cette étude pilote. Mais, même si les mécanismes biologiques sous-jacents restent encore en grande partie à expliquer, il ne fait guère de doute que la méditation a bel et bien un effet protecteur contre le vieillissement cognitif. Et même contre le vieillissement en général, si l’on en croit d’autres recherches menées outre-Atlantique.
Au niveau cellulaire : une action contre le vieillissement cellulaire de l’organisme
Mis en place il y a une dizaine d’années sur le modèle du Human Genome Project, le projet Shamatha, initié par le Pr Clifford Saron du Center for Mind and Brain (Davis, Californie), reste à ce jour l’une des plus vastes enquêtes scientifiques jamais menées sur les effets biologiques de la méditation. Une soixantaine de méditants, soumis à une retraite de trois mois au coeur des montagnes Rocheuses, ont été scrutés sous toutes les coutures par des armées de généticiens et autres biologistes moléculaires. But de cette analyse toujours en cours : étudier les impacts de la méditation sur… nos cellules elles-mêmes !
Là encore, les résultats sont impressionnants. Les chercheurs du projet se sont particulièrement intéressés aux télomères, ces extrémités de nos chromosomes qui jouent un rôle clef dans le vieillissement de l’organisme puisqu’ils raccourcissent avec l’âge jusqu’à ce que la cellule ne puisse plus continuer à se diviser – c’est alors le début des problèmes ! Une enzyme appelée « télomérase » a pour fonction de freiner ce raccourcissement funeste, mais nous n’en sécrétons pas tous naturellement autant les uns que les autres.
Et qu’ont découvert les chercheurs du projet Shamatha ? Qu’au terme des trois mois de retraite méditative, les sujets sécrétaient 30 % de télomérase en plus que les individus du groupe contrôle ! Découverte bientôt renforcée par une seconde analyse, qui a porté sur la longueur des télomères eux-mêmes : un allongement significatif a été constaté chez les méditants entre le début et la fin de la retraite !
De notre cerveau à nos cellules, la méditation semble bien irriguer la totalité de notre corps de ses effets bénéfiques. Et n’a sans doute pas fini de nous réserver des surprises.
En chiffres
Aux Etats-Unis, plus de 250 cliniques et hôpitaux proposent déjà à leurs patients des stages d’initiation à la méditation.
Quelque 15.000 personnes passent chaque année au Center for Mindfulness in Medicine, temple mondial de la méditation de pleine conscience situé à Worcester, Massachusetts. Son fondateur, le chercheur en biologie moléculaire Jon Kabat-Zin, est le premier à avoir défini le cycle de huit semaines appliqué désormais partout dans le monde.