Comment mesurer le recul par rapport au fait de penser ?
Le recul par rapport aux pensées, et même au fait de penser lui-même, est un processus fondamental de la pleine conscience. Il est probablement plus renforcé dans la méditation d’observation ouverte que dans une attention focalisée sur la respiration par exemple.
Différentes appellations
Les méditants en parlent spontanément sous différents noms : recul, distance, espace de liberté intérieur, désidentification des pensées…
Plusieurs construits psychologiques proches portent sur ce processus : décentration, défusion cognitive, méta-cognition, non-attachement, désengagement attentionnel, distanciation, méta-conscience…
Qu’est-ce que c’est ?
Segal, Williams, et Teasdale, les créateurs du MBCT, définissent ainsi la décentration comme la capacité de «sortir de sa propre expérience immédiate, changeant ainsi la nature même de cette expérience ». Plus axée sur le mental, la défusion cognitive, terme utilisé dans la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT), est un processus qui favorise un changement dans les processus mentaux plutôt qu’un changement du contenu ou des comportements mentaux.
En quoi est-ce utile ?
Dans le contexte de stimuli stressants, ce changement de perspective (position) améliore l’autorégulation et favorise une réponse adaptative (action), plutôt qu’une réactivité inadaptée au stress (réaction).
La décentration de l’évaluation initiale de stress peut aussi faciliter la réévaluation avec une perspective différente et laisser la place à la promotion d’attributs de l’expérience plus positifs. Dans le modèle de l’ACT, plutôt que d’être absorbé par la détresse de l’expérience immédiate, on peut se défusionner pour se connecter avec nos valeurs. Ainsi, malgré la perception d’avoir « perdu une bataille », nous voyons un contexte plus vaste ou la «big picture» (par exemple, vivre une vie en lien avec nos valeurs).
Ce processus de non-attachement que l’on retrouve lors de retraite de méditation vipassana joue ainsi un rôle dans la réduction de l’anxiété.
Comment le mesure-t-on ?
Pour faciliter la recherche en psychologie dans ce domaine ou son utilisation en psychologie clinique, voici une liste d’échelles de mesure de ce processus de pleine conscience, sous la forme d’auto-questionnaires souvent en libre accès sur internet si vous souhaitez les utiliser.
- Cognitive Fusion Questionnaire (Gillanders et al. 2014)
- Drexel Defusion Scale (Forman et al. 2012)
- Automatic Thoughts Questionnaire – Believability scale (Zettle and Hayes 1986)
- Metacognitive Awareness Questionnaire (Teasdale et al. 2001)
- Experiences Questionnaire – Decentering subscale (Fresco et al. 2007)
- Toronto Mindfulness Scale – Decentering subscale (Lau et al. 2006), qui fait partie des échelles générales de pleine conscience
- Non-Attachment Scale (NAS)
- Non-Attachment Scale 7 item (NAS-7)
A l’exception de la NAS, la plupart de ces questionnaires se situent dans une perspective clinique et mettent l’accent sur le recul par rapport aux pensées désagréables plutôt qu’aux expériences agréables. Elles sont ainsi distinctes du concept d’équanimité, qui pourrait devenir une autre mesure de résultat utilisé dans la recherche sur la méditation (Moving beyond Mindfulness: Defining Equanimity as an Outcome Measure in Meditation and Contemplative Research). Ce concept, davantage d’ordre affectif que cognitif, nous paraît plus proche de celui de non-réactivité que l’on retrouve dans les échelles générales de pleine conscience.